Au-delà de la politique : renforcer la cybersécurité pour les compagnies d’assurance canadiennes
- Terry Telford
- 20 mai
- 6 min de lecture

Le paysage canadien de l'assurance repose sur la confiance. Les assurés confient aux compagnies d'assurance leurs renseignements les plus sensibles : leurs données médicales, leurs dossiers financiers et leur vie privée. Maintenir cette confiance repose sur une couverture fiable et une solide stratégie de cybersécurité pour protéger les renseignements personnels de leurs clients. La cybersécurité pour les compagnies d'assurance peut être un terrain glissant, mais gérée proactivement, elle peut s'avérer vitale.
Une cyberattaque réussie peut entraîner des pertes financières importantes, une atteinte à la réputation et, surtout, la compromission de données privées. Une approche proactive et globale de la cybersécurité pour les compagnies d'assurance est donc non seulement une bonne pratique, mais une nécessité fondamentale.
Décryptons donc les meilleures pratiques en matière de cybersécurité, en nous concentrant plus particulièrement sur les compagnies d'assurance et en nous familiarisant avec les complexités des obligations de déclaration des atteintes à la protection des données en vertu du droit canadien. Comprendre ces obligations est primordial pour assurer la conformité, préserver la confiance des clients et atténuer les conséquences d'un éventuel cyberincident.
Les données sensibles dans le mille : pourquoi les compagnies d'assurance sont des cibles de choix pour la cybercriminalité
Les compagnies d'assurance détiennent une mine de données sensibles, ce qui en fait des cibles de choix pour les cybercriminels. Parmi celles-ci :
Informations personnelles identifiables (IPI) : noms, adresses, dates de naissance, numéros d'assurance sociale (NAS) et coordonnées
Données financières : coordonnées bancaires, informations de carte de crédit, niveaux de revenu et détails d'investissement
Informations médicales protégées (PHI) : antécédents médicaux, diagnostics et plans de traitement
Détails de la police : informations sur la couverture et historique des réclamations
Le potentiel de gains financiers découlant des attaques par rançongiciel, de l'usurpation d'identité ou de la vente de ces données sur le dark web fait de la cybersécurité un enjeu crucial pour les compagnies d'assurance. À cela s'ajoute l'interconnexion de l'écosystème de l'assurance, impliquant courtiers, administrateurs tiers et organismes de réglementation, qui élargit la surface d'attaque à protéger.
Naviguer dans le paysage juridique : Obligations canadiennes de déclaration des violations de données
Au Canada, la principale loi régissant la protection des renseignements personnels dans le secteur privé est la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE). En vertu de cette loi, les organisations ont des obligations spécifiques en matière de violation de données.
Un élément clé de la LPRPDE, particulièrement pertinent pour les compagnies d'assurance, est l'obligation de signaler toute atteinte à la protection des données. Lorsqu'une atteinte à la protection des données présente un « risque réel de préjudice grave » (RRPSG) pour les personnes, les organisations ont l'obligation légale de :
Signaler la violation au Commissaire à la protection de la vie privée du Canada (CPVP)
Informer les personnes concernées
Comprendre le « risque réel de préjudice important » (RRPE)
Pour déterminer si une violation déclenche ces obligations de déclaration, il faut évaluer si elle crée un risque potentiel de préjudice grave pour la santé et la sécurité au travail. Selon la LPRPDE, un « préjudice important » comprend :
lésions corporelles
Humiliation
Atteinte à la réputation
Perte financière
Vol d'identité
Lorsqu’elles évaluent s’il existe un « risque réel » de tels dommages, les compagnies d’assurance doivent prendre en compte des facteurs tels que :
La sensibilité des renseignements personnels concernés. Les données hautement sensibles, comme les NAS ou les dossiers médicaux, sont plus susceptibles de déclencher un risque de perte de données.
La probabilité que les renseignements personnels aient été, soient ou seront utilisés à mauvais escient.
Par exemple, une violation impliquant des dossiers médicaux non chiffrés serait probablement considérée comme créant un risque potentiel pour la santé et la sécurité au travail (RRPST), nécessitant un signalement et une notification. À l'inverse, une violation impliquant uniquement des coordonnées générales et présentant un faible risque d'utilisation abusive pourrait ne pas atteindre ce seuil. Cependant, il est toujours conseillé de faire preuve de prudence afin de préserver la confiance et de démontrer son engagement envers les clients et les autorités.
Cybersécurité pour les compagnies d'assurance : le processus de reporting :
Lorsqu'une atteinte à la protection des données crée un risque potentiel pour la santé et la sécurité au travail (RRPST), les compagnies d'assurance canadiennes doivent agir rapidement et avec diligence. Le rapport au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada doit contenir des renseignements précis, tels que :
Les circonstances de la violation.
La nature des renseignements personnels concernés.
Le nombre de personnes touchées ou potentiellement touchées.
Les mesures prises par l’organisation pour réduire le risque de préjudice pour les individus.
Les mesures que l’organisation a prises ou a l’intention de prendre pour informer les individus.
Les notifications aux personnes concernées doivent également être claires, compréhensibles et contenir suffisamment d'informations pour leur permettre de prendre les mesures de protection nécessaires. Il peut s'agir de leur conseiller de surveiller leurs comptes financiers, de modifier leurs mots de passe ou d'être vigilants face aux tentatives d'hameçonnage.
L’obligation de signaler et de notifier « dès que possible » souligne l’importance d’avoir un plan de réponse aux incidents bien défini comme élément essentiel de votre plan de cybersécurité.
Nuances provinciales : Alberta et Québec
Bien que la LPRPDE soit la principale loi fédérale, les compagnies d’assurance qui exercent leurs activités ou qui traitent les données des résidents de certaines provinces doivent également connaître la législation provinciale.
Loi sur la protection des renseignements personnels (LPRP) de l'Alberta : L'Alberta possède sa propre loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, qui comprend des exigences obligatoires de notification des atteintes à la vie privée, lesquelles peuvent légèrement varier par rapport à la LPRPDE. Les compagnies d'assurance exerçant leurs activités en Alberta doivent se conformer à la LPRPDE pour les renseignements personnels des Albertains.
Loi 25 du Québec (anciennement le projet de loi 64) : La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (Loi 25) du Québec introduit des changements importants, notamment la déclaration obligatoire des atteintes à la vie privée à la Commission d'accès à l'information du Québec si l'incident présente un risque de préjudice grave. Cette mesure élargit la portée de la Loi au-delà du RRPG de la LPRPDE et exige des compagnies d'assurance qui traitent avec des résidents du Québec une vigilance particulière.
Il est essentiel pour les compagnies d’assurance ayant une présence nationale de comprendre ces nuances provinciales.
Fortification proactive : construire une posture de cybersécurité résiliente
Bien qu'il soit essentiel de comprendre les obligations de signalement des violations, l'objectif ultime de la cybersécurité devrait être de prévenir les violations. Une approche proactive et multicouche est primordiale. Cela comprend :
Contrôles de sécurité robustes : mise en œuvre et mise à jour régulière de mesures de protection techniques telles que des pare-feu, des systèmes de détection/prévention des intrusions, des logiciels anti-malware et un cryptage (en transit et au repos).
Gestion des accès : Appliquer le principe du moindre privilège pour garantir que les employés n'ont accès qu'aux données et aux systèmes nécessaires à leur rôle. L'authentification multifacteur (AMF) doit être standardisée sur tous les points d'accès.
Formation et sensibilisation des employés : L’erreur humaine reste un facteur important dans de nombreux cyberincidents. Une formation régulière sur la reconnaissance des tentatives d’hameçonnage, l’adoption de bonnes habitudes de navigation et la compréhension des politiques de traitement des données est essentielle pour instaurer une culture de sécurité.
Gestion des vulnérabilités : analyser régulièrement les systèmes à la recherche de vulnérabilités et les corriger rapidement est essentiel pour empêcher leur exploitation par des attaquants.
Planification de la réponse aux incidents : Il est essentiel de disposer d'un plan de réponse aux incidents bien documenté et éprouvé. Ce plan doit décrire les mesures à prendre en cas d'incident cybernétique, notamment le confinement, l'éradication, la reprise d'activité et l'analyse post-incident. Il doit également intégrer les procédures d'évaluation des risques, de la gestion des risques et de la santé au travail (RRGST) et le respect des obligations de déclaration.
Gouvernance et minimisation des données : comprendre où se trouvent les données sensibles, mettre en œuvre des pratiques de minimisation des données (conserver les données uniquement aussi longtemps que nécessaire) et établir des politiques claires de gouvernance des données peuvent réduire considérablement l'impact d'une violation potentielle.
Gestion des risques liés aux tiers : Les compagnies d'assurance travaillent souvent avec des fournisseurs tiers. Il est essentiel d'évaluer leur niveau de sécurité et de s'assurer qu'ils respectent les normes de cybersécurité appropriées.
Assurance cybernétique : Bien qu’il ne s’agisse pas d’une mesure préventive, l’assurance responsabilité civile cybernétique peut fournir une protection financière en cas de violation, couvrant les coûts liés au recouvrement, les frais juridiques et les notifications.
Intégrer la cybersécurité au tissu de l'assurance canadienne
Pour les compagnies d'assurance canadiennes, la cybersécurité n'est pas une option : elle fait partie intégrante de leurs activités. La protection des renseignements sensibles qui leur sont confiés est non seulement une exigence légale et réglementaire, mais aussi un aspect fondamental pour préserver la confiance des clients et assurer la pérennité de leurs activités.
En comprenant et en respectant les obligations canadiennes en matière de déclaration des atteintes à la protection des données, notamment en vertu de la LPRPDE et des lois provinciales pertinentes, comme la PIPA de l'Alberta et la Loi 25 du Québec, et en mettant en œuvre proactivement des mesures de cybersécurité rigoureuses, les compagnies d'assurance canadiennes peuvent bâtir un avenir plus résilient et plus sûr pour elles-mêmes et leurs assurés. Investir dans une cybersécurité rigoureuse, c'est investir dans la confiance, la conformité et la réussite continue du secteur canadien de l'assurance.